Nous citerons la note individuelle qui a été écrite
par les Anciens Elèves de L'Ecole Montalembert de Limoges pour les disparus
de la Grande Guerre:
Pierre NENERT partit avec le 50ème régiment d’infanterie,
fit la guerre en Belgique, prit part à la grande retraite, puis à la
bataille de la Marne. Il fut ensuite envoyé en Artois, où il
resta jusqu’à sa disparition, sauf pendant les quelques
semaines passées à l’arrière pour la réfection
des cadres et à la réparation des pertes de son unité.
Il avait déployé à l’Ecole Montalembert toutes les
ressources d’une nature très vibrante, très artiste et très
fine, très généreuse aussi et très affectueuse. Tel
nous le retrouvons dans ses notes de guerre: tant il est vrai qu’on ne
change qu’en se développant dans le sens déterminé par
ce qu’il y a de plus profond dans l’esprit et dans le cœur.
Mais il s’était singulièrement développé durant
ses quinze mois de guerre. « Comme nous sommes mûris par l’épreuve! » écrivait-il.
Et il avait raison: tout ce que nous avons lu de lui en témoigne abondamment.
Nous ne saurions prétendre que cette exceptionnelle maturité soit
un privilège de notre élite catholique. Mais ce que nous voyons
se passer en des jeunes gens comme Pierre NENERT montre nettement qu’aucune
influence n’aide autant que celle d’une vie profondément religieuse
au développement des grandes qualités qui font l’homme et
le soldat.
C’est à tout moment que, pour s’exciter à un courage
magnifique, pour exalter en lui l’esprit de sacrifice, pour s’entraîner à l’abnégation
et à la patience, il recourait aux moyens religieux, à la messe
qu’il aimait à entendre, surtout quand rien ne pouvait le distraire, à la
sainte communion, prévoyant même les occasions où il ne pourrait
pas le faire, pour y suppléer d’avance, à la confiance en
Dieu, à la dévotion au Sacré-Cœur dont il portait l’effigie
sur son propre cœur, à une foi très vive en l’intercession
toujours présente de la Sainte Vierge. Sa vie s’alimentait aussi
au foyer, lointain pour le moment, où le ramenaient toutes ses pensées
et toutes les tendresses de son cœur, où il avait hâte de rentrer, «dès
que la France aurait repris son essor ». Aussi possédait-il une
très grande force morale, dont il trouvait l’emploi non seulement
sur les champs de bataille, mais chaque jour pour supporter une vie que sa nature
affinée lui rendait très pénible. « Il faut être
fort et lutter pour ne pas s’abandonner », disait-il. « C’est
nous qui formons la barrière vivante et souffrante devant l’envahisseur ».
Et il ajoutait, dans un langage dont il demandait qu’on excusât la
simplicité : « Il faut en supporter de toutes les couleurs ».
Et il supportait, il souffrait, il luttait courageusement : « C’est
par ces durs et longs sacrifices que nous acquerrons le droit à la victoire
prochaine et à la glorification de la France »... -«c'est
seulement à ce prix que la France rachètera ses fautes et reprendra
dans le monde la première place qu’elle doit occuper ». Si
quelques camarades, en apparence plus favorisée, traversaient son horizon
: « Et pourtant, écrivait-il, je ne quitterais pas ma place pour
la leur : il me semble que ce serait manquer à mon devoir. Vraiment dans
notre classe et avec notre instruction, nous devons rendre tous les services
dont nous sommes capables ».
Il disparut le 30 Octobre 1915, dans un combat qui eut lieu au Bois de la Folie,
près de Neuville-Saint-Vaast. Rien de ce qui a été tenté pour
savoir dans quelles circonstances n’a abouti à un résultat
utile, et l’on n’a rien retrouvé de ses pauvres restes.
Mais sa conduite antérieure nous est un garant sûr que dans la lutte
suprême il a noblement fait son devoir. « Il s’est toujours
battu à mes côtés, écrit un de ses amis ; partout
où je me suis trouvé, il était aussi ; et, croyez-moi, il
fut toujours très crâne ». L’ami ajoute un trait de
vaillance et de grandeur que nous nous reprocherions de ne pas reproduire ici
: « Il fut téméraire le jour où je fus blessé...
Nous battions en retraite devant l’ennemi qui, supérieur en nombre, était à peine à deux
cents mètres, lorsque je fus couché par une balle qui brisa mon
fusil dans ma main en me blessant légèrement. Pierre me voyant
par terre, s’arrêta : me croyant gravement atteint, il voulut m’emporter.
Je dus le supplier, lui donner l’ordre de partir, en lui promettant de
le rejoindre. A ce moment-là, il se trouvait seul debout dans la plaine
: les balles sifflaient de toute part, et c’est par miracle qu’il
ne fut pas atteint. A peine à l’abri, ne me voyant pas rentrer,
en dépit des balles qui continuaient à siffler, il revint seul
au devant de moi et ne me quitta qu’au moment où je pus me faire
panser au poste de secours ». Il avait 22 ans quand il mourut.
Extrait du livre d’or 1914-1918 des Ecoles Saint-Martial & Montalembert
de Limoges
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Aujourd'hui, 11 Novembre 2005, nous fêtons l'anniversaire
de l'armistice de 1918 qui mit fin à la Grande Guerre.
Pour en connaître davantage sur l'endroit où Pierre
NENERT est décédé, nous avons décidé de nous rendre sur le lieu même
où il est tombé. Rien n'indique clairement que tout son bataillon a
été décimé, tellement de gens sont morts à cet endroit précis. En
effet, 1915 n'était que le début de cette guerre, et aujourd'hui ce sont
les Africains du Nord qui son célébrés avec un monument à leur
dédicace et surtout les Canadiens morts en 1917 avec la bataille de
Vimy.
Ce lieu de cette mémoire est désormais territoire
canadien, avec un fabuleux monument en pierre blanche de Croatie qui
domine la crête de Vimy à seulement un kilomètre du Bois de la Folie
où est décédé Pierre NENERT. La visite permet de prendre connaissance
avec le terrain, accidenté à force de pilonnage d'obus, des tranchées
reconstituées...il manque la restitution du bruit qui devait être
infernal. Aujourd'hui ce sont des moutons qui occupent ces lieux
désormais paisibles.
  

Mais un lieu, sur la crête en face, perpétue le souvenir
des soldats français morts pour la Patrie.
Ce lieu très étrange regroupe pas moins de 40.000
sépultures dont 20.000 identifiées, Notre-Dame de Lorette où les croix
se suivent et se ressemblent, alignées, imperturbables...beaucoup
d'émotion.
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